Les Breeders sont de retour. Le groupe de Kim Deal, ex-bassiste des Pixies et femme sévèrement torturée, vient de publier un excellent 4e album. À écouter en exclusivité cet été à La Route du Rock.
En 2008, les Breeders fêtent leurs vingt ans. Le bel âge. Pourtant, l’humeur musicale de leur 4e album n’est pas à l’insouciance, aux paillettes ou aux cotillons. Il y a dans ce Mountain Battles une noirceur diffuse, insidieuse, qui rend son écoute presque douloureuse. En pleine zone de turbulences, la chanteuse et guitariste Kim Deal traduit les souffrances de sa quarantaine bien sonnée. On entend le doute, l’errance et les joies mêlées de tristesse. Malgré cela, la fraîcheur est intacte. L’ex-bassiste des Pixies s’y connaît en matière de collages pop et de bricolages sonores : jamais racoleuse, toujours pudique, elle tisse des mélodies en filigrane et chante comme une enfant désabusée. Ses chansons de Pandore révèlent leurs secrets après plusieurs écoutes. Il y a le refrain en allemand et les entrelacs de voix de « German studies » les paroles martelées d’« Overglazed », l’ambiance flamenco de « Regalame esta noche » et l’étrange brutalité de « No way » aux relents heavy rock prononcés.
À l’heure de la sono mondiale et du mélange des styles, les Breeders semblent parachutés d’une planète lointaine sans radios ni internet, hors du temps et loin des modes. Ceux qui attendaient un nouveau « Cannonball », hit qui leur valut un disque de platine en 1993, en seront pour leurs frais. Pas de tubes planétaires dans Mountain Battles. Plutôt une collection de morceaux fragiles et d’hymnes intimistes. Au risque, parfois, d’en rajouter dans le mal-être et la déprime (« Spark » et « Istanbul »). Heureusement, des appels d’air évoquant les Pixies viennent signaler que, non, tout n’est pas perdu (« Walk it off », « It’s the love »). Dans ces moments de légèreté, la pop de Breeders débridés se mêle à des guitares tranchantes ou des rythmiques surf. La production sans artifices, analogique jusqu’au bout des cordes, fait sonner le disque comme un premier essai enregistré au garage. Et mine de rien, les chansons tordues de Kim Deal touchent au but : elles infusent lentement, sûrement, dans le cerveau de l’auditeur.