Court Métrange, le festival rennais de courts métrages dédié à l’insolite et au fantastique, a cinq ans. Sans subventions (ou presque) mais avec passion (beaucoup). Petit bilan en compagnie de sa directrice, Hélène Pravong.
Court Métrange est né à Rennes en 2003 avec le projet de rétablir une certaine catégorie d’œuvres de genre françaises et européennes à leur juste valeur artistique et culturelle. Le public a été au rendez-vous, les professionnels également. À l’aube de ce premier quinquennat, Court Métrange soutient toujours le format court mais change de peau en élisant domicile dans le centre-ville du 23 au 25 octobre. Cinq ans en cinq questions à Hélène Pravong, directrice du festival.
La Griffe : Lors de l’édition inaugurale de Court Métrange, vous vous présentiez comme « le 1er festival européen du court métrage insolite et fantastique », qu’en est-il aujourd’hui de ce leadership (qui ne figure plus sur l’affiche) ?
Hélène Pravong : Rien n’a changé, nous sommes toujours le seul festival en Europe à faire une telle proposition en termes de courts métrages fantastiques.
Vous quittez le centre culturel du Triangle pour investir les murs du Ciné-TNB…
Ce changement émane d’un constat un peu malheureux. Au Triangle, nous travaillions sur un partenariat, donc il n’existait pas de communication autour de l’événement dans les plaquettes du centre culturel. De plus, dans un quartier en difficulté où les gens ne se tournent pas naturellement vers la culture, nous devions impérativement transmettre des informations pour les inciter à nous rejoindre. Nous nous sommes battus sur ce point pendant quelques années car nous ne souhaitions pas être uniquement prestataires mais initier un vrai échange… Le Ciné-TNB a rouvert ses portes cette année et son programmateur, Jacques Fretel, nous a invité à nous y installer. Nous avons accepté avec grand plaisir mais avec une petite réserve : nous avions créé un événement et une proposition culturelle dans un quartier que nous devions quitter…
Cette année, cap à l’Est avec des films de Slovénie, Estonie et Croatie ?
À l’origine, nous voulions nous tourner vers les Balkans, puis nous nous sommes intéressés à la Slovénie, la Croatie et l’Estonie, curieux d’observer ce qu’il s’y passait. Nous avons alors découvert des petits bijoux de courts métrages d’animation (qui priment davantage que la fiction) étonnants, parfois grinçants, avec de l’humour et beaucoup de noirceur. Il s’agit d’un cinéma très engagé, lié à histoire et à l’ouverture récente de ces pays. Nous avons également souhaité mettre dans la lumière des réalisateurs qui se frottent au genre fantastique et des producteurs qui prennent des risques en les finançant, comme Zagreb Films qui devrait rencontrer une certaine renommée dans les années à venir.
Pas de rétrospective ou de focus autour de réalisateurs reconnus comme Christian Mungiu, les frères Quay, Jan Svankmayer ou Roman Polanski lors des éditions précédentes ?
Pour cette édition 2008, nous avons voulu rajouter à la programmation un hommage à la ville de Québec qui fête ses 400 ans. De plus, nous ne voulions pas risquer la redondance autour d’auteurs slaves. Nous n’éprouvions pas particulièrement l’envie de faire de focus autour d’une personnalité cette année. L’ambition du festival demeure avant tout de permettre au public de découvrir un cinéma de genre dont il n’a pas l’habitude dans des pays sélectionnés qui ont peu de visibilité.
Quelle est la tendance des films de cette cuvée, que disent-ils de notre époque ?
Le cinéma fantastique est de plus en plus politique et engagé, je dirais même politique et social, notamment chez les Français. Deux films hexagonaux sont vraiment pertinents dans leurs propos. Le Bal des finissantes de Sorën Prévost (fils de Daniel Prévost) sur les mesures prises par un futur gouvernement pour se débarrasser des vieux, œuvre à la fois drôle et dramatique et qui constitue un vrai sujet d’actualité. Et L’Emploi vide d’Antarès Bassis où comment un gouvernement demande à des personnes d’un certain statut social, bourgeois et aristocratique, d’embaucher des chômeurs pour occuper des postes qui n’existent pas, simplement pour que les statistiques du chômage baissent. On découvre ensuite que les maisons sont autonettoyantes, que la communication provient des écrans de télévisions dans les foyers, que l’eau est polluée partout et filtrée. Le court métrage évoque le chômage mais également l’environnement dans un futur proche avec un regard dénué d’émotion, aseptisé et triste. Le constat général de la programmation rejoint l’idée que nous vivons dans un monde où la communication est coupée, où les gens ne se parlent pas et vivent dans des univers clos, où plus le temps défilera, plus il deviendra difficile de rester soi-même. Certains réalisateurs le racontent avec humour et noirceur, d’autres, curieusement, de manière réaliste dans un contexte d’anticipation.
Court Métrange en cinq temps :
- Une compétition européenne (48 courts-métrages répartis en programmes d’une heure quinze) soumis au jury et au public du festival avec l’attribution de nombreux prix.
- Un focus sur le cinéma d’Europe de l’Est.
- Un ciné-concert à la Bobine orchestré par Christofer Bjurström et son quartet
- Une soirée Drive-in à l’Université Rennes 2 autour de l’imaginaire des années 50.
- Une Carte blanche au festival Fantasia de Montréal.
Rens. : 02 99 67 69 97, www.courtmetrange.com
À retrouver dans la série : Court Métrange 2009
- Court Métrange : courts toujours (1 octobre 2008)