Groupe mythique de la scène rennaise des années 80, Complot Bronswick sort un nouvel album intitulé Rouge Rêve. Les morceaux sont issus de la musique originale d’une pièce de théâtre mise en scène en 2006 par Jean Beaucé : Iceman d’après Eugène O’Neill. Parallèlement, le label Infrastition réédite toute leur production discographique (disques, raretés, inédits). Retour en arrière avec François Possémé, l’un des membres fondateurs.
La Griffe : Le film qui a inspiré le nom du groupe (L’Affaire Bronswick, réalisé en 1978 par les canadiens Robert Awad et André Leduc), était-ce une découverte ou un attrait réel pour ce type de film ?
François Possémé : Un hasard total, pendant une grève à la télévision. On bouffait pas mal de télé à l’époque, Yves-André [Lefeuvre, autre membre fondateur, ndlr] la regardait même quand elle était en grève. Des films étaient diffusés et il est tombé sur L’Affaire Bronswick, un petit film d’animation d’un quart d’heure en 16 mm qui parlait des manipulations mentales.
On assimile Complot Bronswick à l’effervescente scène rennaise des années 80, or le groupe est né à Vannes dont vous étiez tous originaires. Comment vous êtes-vous rencontrés et pourquoi êtes-vous venus à Rennes ?
Rien de plus banal : je connaissais la mère d’Yves-André par le militantisme politique, Maurice [Chesneau, graphiste du groupe et performeur scénique] prenait des cours de dessins avec le père d’Arnaud [Le Brusq, premier chanteur de la formation]… Avant Complot, on avait tous joué dans d’autres groupes. Moi dans Barricade, un groupe d’extrême gauche qui reprenait des chants révolutionnaires de 68, puis dans Alfred Butagaz et ses 40 Brûleurs ; Arnaud dans un autre qui s’appelait Charlotte Corday. Il est venu à Rennes pour faire les Beaux-Arts, moi pour reprendre des études d’animateur socio-culturel après avoir été employé de banque pendant six ans. Yves-André vivait chez moi, il a suivi… On s’est retrouvé classé dans le rock rennais sans le vouloir. Comme on n’était pas rennais au départ, on n’était pas vraiment reconnu. Hervé Bordier nous a vraiment soutenus en nous programmant aux Transmusicales 1981 et 1984 [le spectacle Maïakovski], il nous a aussi trouvé des dates au Palace à Paris…
Quel regard portes-tu sur l’évolution de la scène rennaise depuis ces années 80 ?
Je suis un peu déconnecté ! C’était vraiment fort de 1980 à 1988, ensuite je suis allé à Paris. Maintenant je trouve que beaucoup de groupes sonnent comme dans les années 80, alors qu’elles avaient été très galvaudées, très critiquées. Il y a comme un retour à cette période. Agnès B a créé au printemps l’exposition Des Jeunes Gens Mödernes sur les groupes de ces années-là, post-punk, new wave… Sur notre Myspace, on constate que beaucoup de jeunes de 18 ans nous écrivent, ils nous ont dévouverts par leurs parents, leurs grands frères.
Aujourd’hui les groupes qui mélangent les genres et les arts sont monnaie courante mais à l’époque vous deviez passer pour des extra-terrestres ?
Ah oui, mais ça intéressait. C’était le style de David Bowie, Peter Gabriel mais en France on était un peu les précurseurs. J’ai eu un déclic pour l’aspect visuel le jour où j’ai vu Peter Gabriel. On reliait la peinture, l’image filmée et le concert. Ça s’est ensuite popularisé dans les années 90 avec le développement de la techno. On était aussi influencé par Brian Eno et Roxy Music, par le punk, le rock allemand… Après le choc des Sex Pistols, Arnaud est parti trois mois en Angleterre. Yves-André a appris la batterie en écoutant Can et Police.
Avant Iceman, vous aviez déjà écrit des bandes-son pour le théâtre et joué en direct sur scène ?
Oui, dès 1981, on a participé à la création d’Icare avec le Théâtre du Point du Jour de Jean-Pierre Jacquet, Daniel Cueff et Hervé Lelardoux dans une usine désaffectée du centre ville de Rennes. En 1991, le metteur en scène Jean-Michel Bruyère nous avait engagés pour le spectacle Radix. Une énorme production créée à Leningrad avec comédiens et cascadeurs, neuf mois de travail [qui sera ensuite présentée à la Grande Halle de la Villette à Paris]. On a aussi simplement composé des bandes-son pour d’autres pièces, mais pour Iceman il s’agissait vraiment d’une présence scénique, d’être intégré à la dramaturgie du spectacle.
Vous avez décidé de publier un album avec les musiques de cette pièce de théâtre.
C’est notre premier disque issu d’un spectacle. Aucun enregistrement des précédents spectacles n’avait été fait, sauf peut-être en pirate ? Sur Rouge Rêve figurent les morceaux réinterprétés d’Iceman ainsi que d’autres qui n’avaient pas été retenus dans l’énergie de la pièce.