Brest, terrain d’aventures

En mars fleurissent à Brest deux détonnants festivals amis, dont la soirée de clôture du premier constitue la soirée d’ouverture du second. Au programme : Marteau Rouge, Damo Suzuki, De Kift, Magma, Jonathan Richman… Festival Sonore et Festival invisible sont en rade, et c’est le public qui chavire…

festivalinvisible

L’association Penn Ar Jazz, déjà organisatrice de l’Atlantique Jazz Festival qui réunit chaque automne une affiche prestigieuse, a lancé en mars un nouveau festival, le bien nommé Sonore. « Free Music/Free People », peut-on lire sur l’affiche : musique free, musique libre pour gens libres. Pas question d’easy-listening ici, mais d’une plongée assumée dans des contrées parfois ardues, parfois dérangeantes, toujours différentes et assumant une liberté de ton qui n’est, pour une fois, pas un vain mot.

Cet article arrive malheureusement trop tard pour inviter à la plus grande partie de ce festival à l’affiche enthousiasmante, et l’on regrettera en particulier de n’avoir pu faire l’article pour la soirée du 11 mars, dominée par les figures de deux batteurs d’exception : Charles Hayward (This Heat, mais à Brest en solo) et Jim Black, pour une des dates françaises de son groupe Alas No Axis à l’occasion de la sortie de leur nouvel album, Houseplant (chez Winter&Winter).

Mais il reste une soirée, et pas des moindres. Si le terme voulait encore dire quelque chose, on pourrait parler de « soirée culte ». Première partie, Marteau Rouge. Un trio réunissant l’excellent batteur (encore un !) Makoto Sato, l’ultrasonique guitariste Jean-François Pauvros et l’ébouriffant bidouilleur sonore Jean-Marc Foussat. Ça ne vous dit rien et vous préférez le rock ? Alors notez dans un coin que Sonic Youth cite Marteau Rouge comme une de leurs influences majeures. Buvez un coup et préparez-vous à accueillir une de vos idoles. Deuxième partie : Damo Suzuki vs Monstre. Oui, le Damo Suzuki qui chantait sur Tago Mago, Ege Bamyasi et Future Days, publiés à l’orée des années 1970 par Can, ce groupe pionnier du krautrock allemand. Depuis, Suzuki a fait du chemin et promené sa voix sur de nombreuses scènes, à la rencontre de musiciens de tous les pays, construisant au fil des années un réseau dont fait désormais partie l’orchestre Monstre d’Arnaud Le Gouëfflec, qui l’accompagnera dans une session d’improvisation totale.

Belle soirée en perspective, et pas seulement pour son côté musical explosif. Mais aussi pour le lien qu’elle crée entre la première édition du festival Sonore, dont elle constitue la clôture, et la quatrième édition du festival Invisible, dont elle est l’ouverture. Organisé par l’association L’Église de la petite folie, ce dernier est un autre bel exemple de chemins de traverse dans le pays aux autoroutes trop souvent sagement balisées qu’est la programmation de festivals. Qu’on en juge par le menu de ses têtes d’affiche : le 19 au Vauban, l’Américain Jonathan Richman, ancien leader du groupe punk-rock Modern Lovers ; le 20 au Chapiteau des Beilges Marron, les Hollandais De Kift, fanfare désarticulée à la croisée du punk et du bal rural ; le 21 à la Carène, les Kobaïens Magma, qui fêtent leurs quarante années de zeuhl cosmique, dont les constructions harmoniques et rythmiques, élaborées par le batteur (un de plus…), chanteur et compositeur Christian Vander, n’ont rien perdu de leur pouvoir d’envoûtement. À ces trois plats principaux s’ajoutent nombre de hors-d’œuvre musicaux, mais aussi théâtraux, qui font du festival Invisible une entrée détonnante dans le printemps brestois.

Renseignements : Festival Sonore, 02 29 00 40 01 ; Festival Invisible, 06 62 42 08 74
À retrouver dans la série : Festival Invisible 2009
Loïc Ballarini