La place Poulain-Corbion, plus importante scène du festival Art Rock, s’agrandit cette année. Get Well Soon, Cold Ward Kids et The Kooks l’inaugurent, en plaçant la soirée du vendredi sous le signe de la pop.
Cette année, le festival briochin Art Rock étend ses ailes sur la ville, la place Poulain-Corbion, plus grande scène de ces quatre jours de musiques, englobant pour la première fois une partie des rues voisines. Fini le seul goudron du parking austère, l’espace Poulain-Corbion se voit ainsi enjolivé d’un peu de verdure et de pierres ancestrales. Et la capacité d’accueil du coup s’accroît, passant de 5500 à 7000 spectaceurs. Côté confort visuel, deux écrans géants seront installés. Si le son n’est pas en reste, nos oreilles se réjouissent déjà de ce qui les attend. Les trompettes qui sonneront l’exploration du nouvel espace seront pop. Une pop déclinée selon trois styles capillaires, trois pays d’origine (Allemagne, Etats-Unis, Angleterre), trois orientations musicales.
Ouverture en beauté, vendredi 29 mai, avec Get Well Soon. Première originalité : ils sont allemands, or il faut reconnaître que l’on n’a pas tous les jours l’occasion et le plaisir de découvrir de la pop d’outre-Rhin. Emmenée par le jeune compositeur Konstentin Gropper, cette formation aux accents classiques d’un autre temps sait manier la palette sonore avec puissance et délicatesse. Une voix grave et mélodieuse presque envoûtée qui à elle seule vaut le détour, Konstantin Gropper semble avancer main dans la main avec sa muse, élégante et romantique, lyrique, baroque et fantasque. Le noir lui va si bien qu’on en vient à espérer que ça n’aille pas mieux pour lui demain. Un air d’accordéon, un orgue, des cordes, des chœurs inattendus colorent les titres qui divaguent du Sud à l’Est avec grâce. Avec emphase aussi parfois mais ces excès leur vont bien au teint. Konstantin Gropper a le sens de la mise en scène — musicale et théâtrale —, tel un artiste d’opéra. Et l’opéra n’est pas toujours éloigné de ses partitions foisonnantes. Des compositions d’une belle portée expressive et émotionnelle, qui invoquent le tumulte et la fantaisie. Un charme à la fois sombre et extravagant qui saura à n’en pas douter transporter les esprits dans cet univers singulier et profond. Get Well Soon ou la mélancolie faite exaltation…
Après ce noble prélude, les non moins attrayants et excellents Cold War Kids distilleront leur algébrique et magique musique. De la pop portée par une énergie pure et sincère qui prend tour à tour des allures de rock sous pression et de soul primitive et vertigineuse. Les morceaux sont tissés comme des théorèmes complexes mais passionnants. Alambiqués, fougueux, acérés, justes. Rien n’est acquis, une surprise attend les auditeurs à chaque note. Difficiles à cerner, les compositions semblent se réinventer sans cesse, se jouer des règles établies pour tracer des diagonales inattendues, des lignes de fuite, des courbes étourdissantes. Bouillonnant mélange de chaud et froid aux superbes voix. Ces Californiens usent d’un étonnant et percutant sens de la structure et de la déstructuration. Pas le choix, avec eux on lâche prise pour se laisser porter par une vague incontrôlable et atteindre un état proche de l’apesanteur.
Viendront ensuite The Kooks. Des anglais à la pop… anglaise plus académique. Pas de paysages sonores savamment échafaudés ni de formules complexes pour ces garçons de Brighton. Ils n’inventent rien, mais ils le font à fond et avec une foi tout à fait respectable. La fougue de la jeunesse les marque encore de son sceau. Et leurs chansons pop font d’ailleurs figure d’adolescentes ; elles respirent l’entrain, l’insouciance, l’envie de vivre et de dire la vie et ses premières expériences marquantes avec humour et détachement. Des chansons flamboyantes aux guitares accrocheuses et aux gimmicks marquants. C’est primesautier, vitaminé, un peu fou et agréablement enlevé. The Kooks allient légèreté, simplicité et efficacité et savent enthousiasmer les foules en faisant monter la tension pour un bouquet final explosif aux limites du contrôlable.
Après cette inauguration en grande pop, l’engouement aura marqué la Place, fin prête alors à accueillir Alpha Blondy et Birdy Nam Nam qui auront, eux, la tâche de clore le baptême en beauté.
Vendredi 29 mai 2009 à Saint-Brieuc (festival Art Rock, place Poulain-Corbion, 02 96 68 18 40)
À retrouver dans la série : Art Rock 2009
- L’ange noir du trip-hop (16 mai 2009)
- cirKus, une famille en or (16 mai 2009)
- Art Rock : un nouvel espace inauguré en grande pop (16 mai 2009)