L’ange noir du trip-hop

Tricky à Saint-Brieuc ! Voilà peut-être la meilleure surprise du cru 2009 d’Art Rock. Car après un passage à vide au tournant du siècle, Tricky est redevenu, depuis deux albums, un des artistes les plus excitants qui soient, tous genres confondus.

Tricky Rares sont les carrières sans incidents de parcours. Tricky ne déroge pas à la règle : Juxtapose (1999) et Blowback (2001) ne sont pas à proprement parler inoubliables… Mais avant et après ces bas, il y a des hauts, et même des sommets. Avant, comptons la participation aux deux premiers albums de Massive Attack (Blue Lines, 1991 et Protection, 1994), son explosion en solo avec l’éblouissant Maxinquaye (1995), les duos de Nearly God (1996), le côté obscur de Pre-Millenium Tension (1996) à peine apaisé dans Angels With Dirty Faces (1998). Après, ajoutons le désarmant Vulnerable (2003), à la fois très rock, sombre par certains côtés mais toujours accessible, doté de mélodies et de riffs imparables.

Cette revue rapidement esquissée, où classer le dernier album en date, Knowle West Boy (2008) ? Assurément dans les hauts de Tricky. On retrouve évidemment sa voix grommeleuse, son art du remplissage de l’espace sonore, mêlé plus qu’auparavant d’ambitions pop, avec les guillemets de rigueur, mais tout de même : Tricky a beau être l’ange noir du trip-hop, il fait des chansons. Et elles sonnent diablement bien. Tout en restant aussi éloigné qu’on peut l’être de la variété, Tricky, comme Keziah Jones dans un tout autre registre, vieillit bien. Son exigence est intacte, et son écriture s’affine.

Seule grande différence avec le passé, l’abandon du recours à un alter ego féminin. Le chant de Martina Topley-Bird a longtemps été le contrepoint parfait de la voix caverneuse, ni vraiment rappée ni vraiment chantée, de Tricky. Costanza Francavilla avait repris le flambeau pour Vulnerable. Mais sur scène (en l’occurrence aux Vieilles Charrues en 2003), elle était plus que décevante, alors que la prestation de Tricky et du reste du groupe avait été phénoménale. Plutôt que de la remplacer, Tricky a fait appel, pour Knowle West Boy, à plusieurs voix complémentaires, autant féminines que masculines. On ne sait donc pas qui l’accompagnera sur scène. On espère juste que, contrairement à de (très) mauvaises habitudes, le son sera bon et pas trop fort place Poulain-Corbion. À quoi bon programmer des bêtes de scène, si c’est pour ne pas les entendre ?