Après un premier passage à Saint-Brieuc tout en ferveur en 2006, cirKus revient à Art Rock, accompagné cette fois d’une foule d’invités (Eagle-Eye Cherry, Martina Topley-Bird, Radio Moscow…), dans le cadre d’une carte blanche qui occupera une bonne partie du dimanche.
Projet familial et intimiste, cirKus réunit deux figures de la musique de la fin du XXe siècle : Neneh Cherry et Cameron Mc Vey. Accompagnée de deux jeunes pousses, leur union charme à plus d’un titre. CirKus marque le retour aux affaires de Neneh Cherry. Une affaire de famille que la musique a réunie. Un retour aux sources et aux vertus de l’aventure collective (comme à ses débuts avec Slits puis Rip Rig & Panic) pour une dame qui a tout connu (et le succès surtout) jusqu’à sa retraite volontaire et anticipée à la fin des années 90. cirKus réalise la douce alchimie des deux centres de sa vie : la famille et la musique. Si Cameron Mc Vey ne bénéficie pas de la notoriété de sa moitié (à la scène, comme à la vie), son influence n’en est pas moins déterminante pour toute une génération de mélomanes. Producteur du premier album de Massive Attack (Blue Lines, 1991) et du tube « Seven Seconds » chanté par Neneh Cherry et Youssou N’Dour (1994), il s’est longtemps satisfait de sa condition d’homme de l’ombre dans un studio londonien. Jusqu’à sa rencontre avec Karmil, jeune assistant nouvellement embauché, qui va réveiller ses velléités créatives. Karmil, guitariste doué, également producteur à ses heures, aligne riffs et beats de son cru sous l’œil envieux de Mc Vey qui, se rebaptisant Burt Ford, y intègre alors sa voix pour le résultat que l’on sait aujourd’hui.
Laylow, premier album de cirKus, paru en 2006, use des rythmes et des atmosphères moites et flottantes dont les assidus du trip-hop ont abusé. Il s’en démarque cependant par une production lo-fi à souhait qui privilégie la spontanéité des idées à la recherche du son parfait. De multiples couches se chevauchent en ordre dispersé : rythme lent, caisse claire réverbérée, nappes brumeuses, arpèges de guitares, cliquetis électroniques timbre proche de celui d’Horace Andy — illustre voix du reggae, invité permanent de Massive Attack. Neneh Cherry insuffle aux morceaux son enthousiasme et son énergie, alternant envolées rap et refrains en forme d’hymnes. Ces deux voix s’accouplent à merveille. Une troisième se joint à elles, renversante de douceur, d’ingénuité et de tristesse mêlées. Celle de Lolita Moon, fille du couple Cherry-Mc Vey et compagne de Karmil — quand on vous disait que cirKus était une affaire de famille… Effacée en apparence, Lolita Moon emporte pourtant le(s) morceau(x) en inscrivant ses lignes de chant dans le cerveau. En live, comme constaté à Saint-Brieuc en juin 2006 lors d’un premier passage au festival Art rock, la chaleur humaine que ce quintet dégageait (le batteur de Tricky accompagnait les quatre membres du groupe), l’intimité qu’il nous invite à partager, la simplicité qu’il affiche entre les titres avaient confirmé la cohérence de ce projet.
Un nouvel opus est venu cette année ennrichir la discographie du groupe. Si Medicine s’éloigne du lo-fi, il conserve tout ce qui fait l’identité de cirKus : le mélange des voix et des genres, de l’acoustique et de l’électronique au service d’une musique tantôt dansante, tantôt lancinante, le tout porté par le tubesque « Bells », un morceau d’électro-funk très bien servi par quelques effets de voix et de discrètes mais très efficaces cocottes de guitare. Et pour son retour à Art Rock, les organisateurs ont confié au groupe une bonne partie de la programmation du dimanche. Sur un total de huit heures réparties en une carte blanche dans l’après-midi (15h-18h)et une carte noire dans la nuit (23h-4h), ponctuées par deux prestations ouvertes à ses invités, cirKus a donc convié, dans l’ordre d’apparition sur scène, Eagle Eye Cherry (le frère de Neneh), Malakai et Nisennenmondai dans un premier temps, puis Radio Moscow, Martina Topley Bird (l’ancienne complice et compagne de Tricky), Wildbirds & Peacedrums, ainsi que le VJ Oof. S’il ne fait pas beau à Saint-Brieuc en cette veille de lundi de Pentecôte, il y aura tout de même un endroit où aller transpirer.
Julien Coudreuse avec Loïc Ballarini
Le 31 mai 2009 à Saint-Brieuc (festival Art Rock, grand théâtre puis forum de la Passerelle, 02 96 68 18 40)
CD : « Medicine » (Wagram)
Site internet : www.cirkustent.com
À retrouver dans la série : Art Rock 2009
- L’ange noir du trip-hop (16 mai 2009)
- cirKus, une famille en or (16 mai 2009)
- Art Rock : un nouvel espace inauguré en grande pop (16 mai 2009)