Bon anniversaire à l’incontournable café-concert de Fougères ! Il fête ce mois-ci, dans le cadre du « Chant du Coq », trois décennies de bons et loyaux services musicaux. Le Coquelicot, c’est plus de 1 500 concerts au comptoir et une notoriété qui va bien au-delà des marches de Bretagne.
« Des lieux comme celui-ci, à Paris tu n’en as plus. » La main tendue, le pouce et l’index reliés comme un cercle, le chanteur-guitariste Balbino Medellin en sait quelque chose. Il a grandi en banlieue, à Villeneuve-la-Garenne, avant de prendre la route du sud et d’écumer dès l’adolescence des dizaines de scènes, de rades improbables en vraies salles. Nous étions en mars 2008 et la veille, le « Gitan de Paname » (titre de son premier album) était au MuzikHall à Rennes en première partie de Bernard Lavilliers. Ce soir-là, une cinquantaine de kilomètres plus au nord sur la petite scène du Coquelicot à Fougères, il joue devant une assistance bien moindre — une cinquantaine de personnes — mais peut-être plus chaleureuse.
« À Paris, les artistes doivent souvent payer pour jouer », abonde Patrick Diard, propriétaire-fondateur du Coquelicot. Ici, la plupart du temps les musiciens sont rémunérés sur les entrées (80 % de la recette). Compte tenu de la jauge (environ 80 places) et des tarifs modérés (de 5 à 12 euros), le cachet peut paraître modeste et pourtant les sollicitations affluent. « Je reçois dix liens MySpace par jour, explique Patrick. Il y a disproportion entre ceux qui sollicitent et ceux qui viennent. Ce serait bien que le public fasse un peu plus preuve de curiosité. Les noms connus éclairent nos lieux mais il faut aussi qu’on donne de la notoriété aux jeunes artistes. »
Le Coquelicot a éclos le 22 septembre 1979. L’idée de bar-cabaret est sous-jacente mais elle ne se réalisera vraiment que cinq ans plus tard. Patrick raconte : « On a repris un bistrot de quartier en pleine crise de la chaussure. C’était un café-épicerie et on habitait l’appartement au-dessus. Le nom vient d’une chanson un peu anarchisante de Mouloudji que le grand-père de ma femme reprenait dans les repas de famille. Le premier concert se tient en 1984 (les Jam’s Swingers). En 1985, on rachète la maison derrière et l’appart’ se transforme en loge pour les musiciens. En 1986, pour notre premier concert rock, on se prend une fermeture administrative de quinze jours à cause du bruit. » Pas simple de proposer un concert le mercredi soir en sus de l’habituel dimanche après-midi…
Patrick s’est saisi de la pile d’albums, une photo par concert, les anecdotes défilent… Manque un volume à la collection : « On m’a piqué celui avec Jeanne Cherhal, La Rue Kétanou, Java… » Des groupes connus, d’autres oubliés, et autant de musiciens dont Patrick retrace le parcours parfois notoire : on croise ainsi le futur bassiste d’Elmer Food Beat, les guitaristes de Jeanne Cherhal, Mr Roux, Obispo, le clavier de Magma, le sax de Pauline Croze, untel qui joue avec Thomas Dutronc… et Daniel Pabœuf dans une palanquée de groupes. La palme revient à Alexis HK qui s’est produit dix-sept fois au Coquelicot entre 2005 et 2008. Il est bien entendu présent pour célébrer les trente ans du lieu (deux concerts jeudi 24 et vendredi 25 septembre).
Par ailleurs, le Coquelicot noue des partenariats avec plusieurs festivals (Voix des Pays, Les Scènes Déménagent, Le Grand Soufflet…) et mène des actions culturelles à l’année. Chaque mois, des apéro-concerts gratuits sont proposés au centre social en amont de la prestation au Coquelicot. Dans le cadre de la manifestation Rencontres Urbaines, ce sont des ateliers d’écriture qui sont mis en place en lien avec les éducateurs de rue. Les établissements scolaires sont aussi de la partie, des professeurs de lettres étudient avec leurs élèves les chansons d’artistes programmés. Depuis 2007, le Coquelicot est également l’un des « Bars en Scène » du département d’Ille-et-Vilaine, initiative au départ rennaise imaginée par la Fédération des Petits Lieux de Spectacles dont Patrick Diard est le président.