Sacrée déception ! Troisième long-métrage de Guillaume Canet réalisateur, Les Petits Mouchoirs est loin d’être à la hauteur des deux précédents, le décapant Mon Idole et l’haletant Ne le dis à personne.
Chevauchant la machine médiatique, l’ex-cavalier Canet enchaîne les avant-premières en France pour présenter son nouveau film (sortie le 20 octobre). Au pas de course. À Rennes le 7 octobre, sitôt une apparition dans les (trois !) salles du Gaumont pour charmer le public, il filait sur Nantes. Un rythme à l’opposé de son film qui s’étire sur presque 2h30 et finit par lasser. La scène d’ouverture — un plan séquence de plusieurs minutes — et sa rupture percutante promettait pourtant beaucoup, dans la lignée de l’énergie délirante déployée dans Mon Idole.
Avec Les Petits Mouchoirs, Guillaume Canet a voulu, selon ses dires, un film « plus personnel », un « film de potes » où il a mis des choses « intimes » même s’il ne « raconte pas [sa] vie ». Cette dizaine de potes (maris, femmes, amants, enfants…) se retrouvent au Cap Ferret pour les vacances dans la maison d’un d’entre eux : un restaurateur aisé incarné par François Cluzet dans son rôle désormais éculé de colérique-parano-stressé-odieux-qui-sait-se-faire-pardonner. À ses côtés, un casting pétillant : Marion Cotillard, Jean Dujardin, Benoît Magimel, Gilles Lellouche, Pascale Arbillot…
Bien que privilégiés en apparence et rivalisant de formules creuses ad hoc (« Super content de vous voir », « Ça me fait plaisir », « Merci pour ta générosité, pour ton hospitalité »), les potes ne sont pas franchement heureux. Ils sont tiraillés par un événement tragique qui exacerbe leurs questionnements existentiels et leurs petites dépressions. Alors ils bouffent, picolent, baisent (un peu), s’aiment, se séparent, rigolent, pètent les plombs, font du (très gros) bateau, vont à la plage, s’agglutinent chez un ostréiculteur, par ailleurs acteur amateur et copain de Canet.
On pense bien sûr aux films de Pascal Thomas (Les Maris, les Femmes, les Amants), Yves Robert (Nous irons tous au Paradis), Jean-Marie Poiré (Mes meilleurs copains) pour l’envie de se poiler tout en se déchirant ; à Patrice Chéreau également (Ceux qui m’aiment prendront le train) pour la tension sourde et les drames latents. Cependant, la mayonnaise ne prend pas. Il n’y a guère qu’une scène franchement drôle (le passage du permis bateau), quand beaucoup d’autres forcent le pathos, et deux rappellent le pire Lelouch (Claude – séquences de la reconquête des femmes à Paris, projection des films de vacances).
Au détour d’un plan, Canet se permet de convoquer Gene Hackman et Al Pacino avec un extrait du (sublime) Épouvantail de Jerry Schatzberg. La raison ? « J’ai eu la chance de faire un film [The Day the Ponies Come Back, ndlr] avec lui il y a huit ans. C’est un clin d’œil. Le début de L’Épouvantail, c’est deux personnes de chaque côté d’une route qui ne se connaissent pas et qui vont devenir les meilleurs amis du monde. J’aimais la symbolique avec la scène de bateau des Petits Mouchoirs où deux amis d’enfance se séparent [Cluzet/Magimel, ndlr]. » Intéressant, sauf que ça tombe à l’eau car le procédé n’est pas développé. Du coup, cela tourne à la citation et confine à la prétention.
Idem pour la BO, genre les morceaux préférés de Guillaume. « Je les écoutais lors de l’écriture du scénario. Ils m’ont inspiré beaucoup de séquences. » Un bon choix musical au demeurant (Ben Harper, Creedence Clearwater Revival, Nina Simone, Bowie, Sixto Rodriguez, Janis Joplin…) mais pour un usage platement illustratif, Canet se contentant de surligner les paysages (dunes et mer survolées en hélicoptère !) et les tourments de ses personnages.
À l’image de son affiche, Les Petits Mouchoirs s’apparente à un collage, inégal et surfait. On se sent parfois concerné — voire touché — par ces morceaux de vie, mais il manque une dynamique et une osmose à l’ensemble. Au final, l’ennui gagne.