En quelques années, Olivier Mellano est devenu un bâtisseur incontournable de la scène pop-rock dans l’Ouest et au-delà. Constructeur de formes, géomètre de projets multiples, ce compositeur et guitariste « hors père » — mais qui ne renie pas de belles influences — aime plus que tout les passerelles entre les styles et les hommes. Portrait d’un architecte de la musique, insatiable, mais humble et discret, que nous avons rencontré avant qu’il ne parte sur la route avec Dominique A.
Enfant d’une famille d’artistes dans le Paris des années 1970, le petit Olivier fait l’apprentissage de ses fondamentaux au violon et solfège. Mais l’âge venant, la guitare le démange et, comme beaucoup d’ados de l’époque, il va flirter avec la new-wave. Noir c’est noir. Alors que tant d’artistes et musiciens montent à la capitale, le jeune Mellano fait le chemin inverse pour s’installer à Rennes, son eldorado rock : « Je suis venu ici plus pour la musique que pour les études ! »
1987 : il rencontre Gaël Desbois, batteur qui compose, et toujours complice vingt ans après. Ils vont monter le groupe Venus de Ride, qui connaîtra son succès d’estime et sera précurseur de leur futur duo Mobiil. Déjà prolifique, Olivier participe au label Rrose Selavy, collabore avec Bruno Green, joue en sideman un peu partout avant de décrocher ses premières grosses tournées avec Miossec. La musique est devenue un plein temps. « À partir de cette période, j’ai eu davantage l’envie de développer mes projets personnels. Et c’est une constante encore aujourd’hui, j’essaie de trouver l’équilibre entre mes réalisations et les collaborations extérieures, qui sont toujours motivantes et enrichissantes. »
« Adaptator », dixit Dominique A
Sans tarder, le Mellano va être appelé à jouer avec la moitié du bottin de la pop-rock française : Françoiz Breut, Yann Tiersen, Philippe Katerine, le groupe Bed, Laëtitia Shériff. Ou Dominique A, une autre rencontre importante : « J’aime son exigence artistique. Il a une musique toujours en évolution, un univers qu’il sait remettre en question », explique Olivier. Le coup de foudre a lieu en 1999 pour la tournée de l’album Remué. Dominique A ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur son benjamin prodige : « Je ne pense pas qu’il était très fan de ce que je faisais jusque-là mais le projet Remué le titillait. Et tant “guitaristiquement” qu’humainement, on a tout de suite accroché. C’est vraiment un drôle d’engin ! [rires] Je dirais que c’est Adaptator… Il est capable de se fondre dans votre univers tout en gardant sa personnalité artistique. Il est quelqu’un de très ouvert et d’une grande culture musicale, que je suis loin d’avoir. »
Ouverture, le mot est lâché. Que ce soit dans ses goûts personnels — « j’aime aussi bien écouter de la musique baroque, brésilienne, de l’électro, du rap, Coltrane ou Monk » —, que dans ses nombreux projets, souvent atypiques, comme L’Île Électrique, présentée à l’origine aux Trans Musicales. « En 1998, j’ai composé ma première pièce pour guitares électriques, que j’avais envie de proposer à des musiciens. Une pièce assez expérimentale, de vingt minutes, mélodique mais jouant sur des grosses masses sonores. Entre Steve Reich et Sonic Youth, pour faire court [sourires]. J’ai invité Bed, Yann Tiersen, la chorégraphe Christine Leberre, Katerine… L’idée était bien de casser un peu le concert rock habituel, avec un début, un milieu et une fin. Créer un mélange, des confrontations, où les artistes pouvaient faire des choses différentes avec des prises de risques. » Faute d’une production suffisante, L’Île Électrique ne connaîtra malheureusement que quelques éditions, ci et là.
Guitare haute-tension
Mais cela ne l’a pas découragé de continuer à susciter des projets croisés, de nouvelles rencontres : « J’ai du mal à me satisfaire d’un seul univers musical, j’étouffe vite. Il y a tellement de choses bien dans tous les styles, que j’ai envie de m’y frotter. J’aime travailler avec des gens qui, dans leurs esthétiques, leurs démarches, font les choses de façon personnelle et singulière, hors des modes. Mais pour cela, il faut que j’aie de l’empathie avec l’artiste, un rapport direct, assez impalpable d’ailleurs, au feeling. »
Mais Mellano c’est aussi une guitare en haute-tension, une couleur sonore dense et vive. Saucissonnant ses sons si secs sur le manche de sa fidèle Fender Jazz Master 1963 (d’origine !), il sait également cuisiner un jeu aérien, tel un David Gilmour des grandes heures. « Je ne suis pas un technicien de la guitare. Je m’en sers plus comme d’un objet sonore. J’ai bien sûr appris les techniques de base mais c’est vraiment en désapprenant ces techniques que j’ai pu trouver mon style propre et, j’espère, réussi à éviter les schémas préconstruits. » Plutôt que les guitar heroes, son panthéon se situe davantage du côté des bricoleurs géniaux de la six cordes « comme Arto Lindsay, Tom Verlaine de Television, Ed O’Brien de Radiohead ou Geoffrey Burton, le guitariste d’Arno. Des gens identifiables dès les premières notes. »
Désapprendre pour progresser
Citer toutes les productions en cours de Mellano tiendrait de l’exploit — « je suis obligé de refuser des propositions pour ne pas me faire déborder ! » —, mais dans les plus immédiates, il faut reconnaître qu’il y a de l’excitant. Alors qu’il vient de participer au premier album solo de Fred Vidalenc, le bassiste historique de Noir Désir, et au dernier opus de Bed, un troisième album de Mobiil est sur le feu, en tandem avec Rudy Coclet, le producteur d’Arno. Sans compter les ciné-concerts (L’Aurore de Murnau, Duel de Spielberg), des dates avec Dominique A, un disque de bossa-nova, Beiramar, avec l’écrivain Emmanuel Tugny. Et une création étonnante, qui sortira à la rentrée sur le label Naïve Classique : La Chair des Anges. « J’avais écrit des pièces pour clavecin qui avaient bien branché Naïve. Ils m’ont donné carte blanche pour d’autres compositions. Pour ce disque, on a enregistré une pièce pour quatuor à cordes, avec le Quatuor Debussy, une pièce pour deux clavecins et orgue et une autre pour huit guitares électriques. »