Symbole du refus de tout compromis, Motörhead est avant tout l’ambition de Lemmy Kilmister : un type incontrôlable qui a modifié les frontières établies du rock’n’roll. À ingurgiter en ouverture des Vieilles Charrues.
Né en 1945 d’une infirmière et d’un pasteur, qui l’abandonnera, Ian Fraser Kilmister dit « Lemmy » vit la naissance du rock’n’roll comme une révélation. Si Buddy Holly et Eddie Cochran lui donnent envie de jouer de la guitare, le pouvoir de séduction de cet instrument sur le sexe opposé le pousse à persévérer. Il joue dans divers groupes, plonge dans le Londres underground des années 60, se retrouve roadie de Jimi Hendrix. En 1971, il devient le bassiste de Hawkwind, un groupe de rock psyché fan de science-fiction, constamment sous acide, qui adore jouer avec le son et les éclairages pour provoquer des réactions épileptiques dans ses concerts. En 1975, lors d’une tournée au Canada, Lemmy est arrêté pour possession de stupéfiants, le groupe l’abandonne. Officiellement parce qu’il ne prend pas les bonnes drogues. Lemmy qui carbure au speed à un rythme surnaturel s’étonne : « Au moins le speed te permet de fonctionner. Sinon pourquoi l’auraient-ils donné à des ménagères pendant toutes ces années ? » (*)
Quelques mois plus tard, il fonde Motörhead, un groupe de blues crade boosté par les amphétamines, qui sonne comme le MC5 mâtiné d’un peu de Little Richard et réussit l’exploit de réconcilier punks et fans de hard-rock. Déjà fâché avec le « music-business », son premier album (éponyme) ne sort qu’en 1977. Deux ans plus tard Overkill fonde l’identité musicale du groupe, suivi par Bomber et Ace of Spades en 1981. Cette trilogie mythique représente les sommets de Motörhead, qui joue plus vite et plus fort que tout le monde, atteignant régulièrement les 126 décibels en live !
La décennie suivante est moins rose. Miné par les changements de personnel, rattrapé par ceux qu’il a influencés (Metallica, entre autres), passé de mode, Motörhead fatigue. Pour laver ses abus, Lemmy décide de se faire changer le sang. Après analyse le toubib refuse : « Si on vous donne du sang pur vous allez mourir. Le vôtre est tellement intoxiqué qu’il n’est plus humain. Interdiction aussi de le donner à une personne normale, ça la tuerait. » Rejoint par Phil Campbell à la guitare et Mickey Dee à la batterie, le groupe se stabilise et adopte un son plus moderne, plus métal en 1991 avec l’album 1916. Malgré les apparitions de son leader dans Hellraiser 3 ou dans le porno John Wayne Bobbit Uncut, Motörhead continue d’enchaîner les tournées à un rythme frénétique, ce qui surprend Lemmy : « Pourquoi nos concerts affichent complet alors que personne n’achète nos disques ? »
À 62 ans, il entretient nonchalamment la légende de son groupe, refuse toujours d’apprendre à conduire, « pour ne pas freiner [ma] consommation d’alcool », et délivre des shows dont la puissance est au moins équivalente à celle d’un Boeing au décollage. Lemmy assure désormais le spectacle en bon professionnel, laissant peu de place au hasard, grâce à un répertoire généralement axé sur les années 80, « celles que les Français préfèrent ». La chemise ouverte jusqu’au plexus, la tête rejetée en arrière, il continue de vociférer de sa voix râpeuse les hymnes du passé et s’amuse à tenir en respect la jeune génération avec des gros calibres (« Terminal Show », « Devil I Know »…) issus des derniers albums, toujours fidèles à l’évidence primitive du rock.
(*) Citations extraites de : « La Fièvre de la ligne blanche » (autobiographie de Lemmy Kilmister avec Janiss Garza, édition Camion Blanc) ; « Télérama » n°2969 (9 décembre 2006) ; « Putain, je déteste le foot » par Virginie Despentes dans « Rock&Folk » n°444 (août 2004).
Le 17 juillet 2008 à Carhaix (festival des Vieilles Charrues).
Site internet : www.imotorhead.com
À retrouver dans la série : Vieilles Charrues 2008
- The Hives : avec eux le déluge (29 juin 2008)
- Motörhead : Lemmy l’increvable (29 juin 2008)