C’est avec le trio vocal amérindien Ulali et par de prestigieuses collaborations qu’elle s’est fait connaître de par le monde depuis vingt ans. Pura Fé a élargi son champ musical et se produit désormais sous son nom. On pourra l’écouter au festival du Bout du Monde.
Elle était l’une des invités du festival Art rock ce printemps. Le petit théâtre à l’italienne de Saint-Brieuc offrait un bel écrin à la hauteur de cette perle rare. Pura Fé (« Foi pure » en espagnol) est tout simplement impressionnante. Outre cette grande simplicité, il se dégage de cette femme beaucoup de douceur, de force et de charisme. Dès son entrée sur scène, la magie opère. Elle entame son concert par deux chants traditionnels Tuscarora, la tribu iroquoise de Caroline du Nord dont elle est issue par sa mère. Des chants qu’elle a imaginés et composés à l’image de ceux que chantait sa grand-mère. Une tradition familiale qui perdure : son arrière grand-mère, sa grand-mère, sa mère avaient toutes six sœurs, toutes chanteuses. Ses incantations envoûtantes sont une irrésistible invitation au voyage au cœur de la grande histoire de ce peuple opprimé. Sa voix grave et posée vibre de tout l’héritage de ses ancêtres ; ses harmonies vocales enrichies par l’usage de boucles sont sublimes.
Elle enchaîne en s’accompagnant d’une guitare lap steel (jouée posée à plat sur les genoux) dont une Weissenborn au son d’une beauté et d’une richesse infinies. Et son chant, en anglais, se teinte alors de gospel. Son pouvoir évocateur est surprenant. Au fil des morceaux, le chant évolue encore, le traditionnel indien et le gospel se fondent en un blues originel et majestueux qui vous touche au plus profond. Quand Danny Godinez, son guitariste, la rejoint, on prend de nouveau une belle claque. Toutes les parties de son instrument sont mises à contribution. C’est fou tout ce que ce génie souriant peut sortir de sons et de rythmes de sa guitare acoustique entourée d’une belle collection de pédales d’effets. Son jeu tient de la prouesse et de l’acrobatie.
Complicité, plaisir, traits d’humour, humilité, l’osmose qui se dégage du duo est palpable et enivrante. On est tenté de fermer les yeux pour se laisser porter et tout aussitôt de les rouvrir pour ne pas perdre une miette de leur jeu. La voix de la fée indienne, quasi chamanique, convoque tour à tour sur scène ses ancêtres, Buffy Sainte-Marie, Aretha Franklin, Janis Joplin… Leur version de « Summertime » (souvent chanté par sa mère, cantatrice de formation classique, qui chantait pour Duke Ellington), en rappel, est renversante. On quitte le théâtre avec l’envie irrépressible de dénicher une pierre blanche.
Pura Fé célèbre la mémoire de ses ancêtres, peuple natif de cette terre qui fut par la suite baptisée Amérique. Elle raconte leur rencontre avec les colons européens et les esclaves africains il y a quelques siècles. Comment l’esclavage a exploité et uni Indiens et Africains, générant un grand métissage culturel. Tout en évoquant ses propres origines métissées (sa mère est de sang-mêlé indien, nigérien et irlandais, son père est portoricain), elle raconte l’histoire de son peuple, et par là même l’histoire, indissociable, de la naissance du blues sur le sol américain. Mettant à jour les similitudes entre la musique traditionnelle des Indiens du Sud Est, le gospel et le blues, elle met à jour et revendique le rôle de son peuple dans la naissance de cette culture musicale dite afro-américaine. Elle le fait avec beaucoup de conviction et de générosité. Un travail de fourmi patient et passionnant. En attendant la reconnaissance et le respect de son peuple, son travail artistique est récompensé : en 2006 elle a obtenu un Nammy (Native American Music Award) comme Meilleure Artiste Féminine et le prix de l’Académie Charles Cros dans la catégorie World.